C'est à dire...
Des pensées, des humeurs, plein de trucs qui me passent par la caboche ou que ont été publiés ici ou là... j'veux dire.
La Lucarne des écrivains, vous connaissez ? C'est une librairie, un lieu où les arts se disent, se voient, se discutent... Et aussi une Gazette qui ouvre ses pages avec des appels à textes. Je résiste difficilement à une telle sollicitation. C'est à lire dans le numéro 66 de janvier 2014 (du moins la plus grande partie).
Et oui, je suis psychanalyste... nul n'est parfait, j'assume et... j'aime.
Ecoute, écoute
Chacun d'entre nous a une façon particulière de voir, de sentir, d'entendre… et de mêler ses sens. Je suis restée très enfant, plus ou moins fixée à l'époque du « Le Petit Prince », raconté par Gérard Philippe, ou des aventures de Tintin. Soutenues par la lecture de ces histoires, les images qui naissaient dans ma tête avaient une densité magique. J'ai toujours le goût des histoires, et mon métier me permet d'entendre des histoires de vie, d'instants, de rêves...
Lorsque j'écoute se forment dans ma tête quantité d'images, sans que j'aie à « penser », parfois à partir d'un mot. J'avance vers un paysage que je ne vois pas encore, et qui se dessine au fur et à mesure que l'autre se dit. Comment se représenter « l'écoute flottante » de l'analyste ? Grâce à la voile, peut-être.
J'aime les mots de la voile. Lorsque l'on entend les « voileux » parler de pare-battage, bittes d'amarrage, babord-amure, des drisses qui s'entrechoquent… On est déjà ailleurs. Et lorsque l'on est psychanalyste, l'oreille se dresse à entendre ces mots toujours susceptibles de naviguer entre plusieurs eaux. Les gens de mer sont superstitieux. A bord, on ne dit guère le mot « corde », sans doute parce qu'il arrivait que les marins mutins soient pendus haut et court. Peut-être aussi parce que de « corde », on pourrait glisser vers l’évocation des « corps de » marins, perdus à jamais… ? En mer, la seule "corde" est celle de la cloche d'alarme, en cas de malheur. A bord, on parle de "bout" dont on souligne le "t" final, ou... d'écoute. Ici, je ne saurais que faire du bout si utile au marin, par contre l'écoute... Avec une écoute marine, on peut hisser, border les voiles… Il peut en être ainsi de l'écoute d'un « psy », selon sa façon d'entendre. Il arrive qu'une écoute marine flotte dans l'eau sur un flanc du bateau. On dira qu'il s'agit là d'un bateau mal tenu car une écoute marine se doit d'être à portée de main sur le pont, à la différence de l'écoute d'un analyste qui se doit d'être flottante, faute de quoi, elle ne permet pas de « bien » entendre.
Sur la mer vogue un voilier sur lequel j'ai embarqué. J'en suis le skipper, bien que je ne sache pas quel sera notre cap. Je dis « notre » car nous sommes deux sur ce bateau, et l'autre attend de moi que nous naviguions sans encombre. Nous sommes sur la mer de l'analysant. Tant que nous restons près des côtes celui-ci évoque le paysage qui l'entoure (compagnon, enfants, patron, père, mère, soucis…). Parfois, même en ce début d'aventure, celui qui se dit parle de la mer sur laquelle nous naviguons, y plonge pour en remonter des souvenirs, des rêves, des sensations, des émotions… Parfois, il parle du confort ou de l'inconfort du navire, ne se permettant pas encore de râler très fort.
Et mon écoute, me direz-vous ?
Sur le navire, j'entends les mots du passager, mais aussi son souffle, le bruit des vents, ceux de sa mer, mes propres mots (car il arrive que je parle), ma respiration… tandis que mon écoute traîne dans ses flots. Parfois, elle ne fait que glisser entre deux eaux. Il arrive qu'un poisson vienne à s'y accrocher, alors je le ramène sur le pont et nous regardons sa couleur… Parfois, il s'agit d'une chaussure, plus ou moins vieille et abîmée par le brassage de l'eau. A priori, nul ne sait très bien quoi en faire alors je la pose sur le pont en attendant de trouver, peut-être, l'autre chaussure. A laisser traîner mon écoute dans le sillage du bateau, quantité de choses peuvent s'y trouver accrochées. Même le mat d'un grand navire. On ne sait pas toujours l'énormité de ce qu'on vient d'effleurer. C'est parfois tant mieux car lorsque l'on réalise la grosseur de la « prise », on peut ressentir l'émotion du chasseur de trésors, et être tenté de hisser le tout avec excitation. Le navire est alors en grand danger car si la prise est grosse, l'écoute peut s'enrouler autour du mat. Le bateau se met à tourner sans fin autour du grand navire naufragé, et on ne peut plus rien voir ni entendre d'autre. L'analyse tourne en rond, sans fin ou presque. Il peut aussi arriver que le frêle voilier sur lequel nous sommes embarqués finisse par sombrer et l'analyse prend fin prématurément car pour le passager, le naufrage est trop douloureux. Lorsque l'écoute accroche une belle épave, mieux vaut en faire la remarque au passager, en lui laissant le choix d'aller faire une petite plongée pour voir ce qu'il en est... Rien n'empêchera d'y revenir car dans ce voyage, on prend le temps. Et puis, ce premier gros navire n'est peut-être pas le seul à découvrir… L'écoute peut aussi ramener sur le pont, des étoiles de mer.
Michelle
Michèle Sébal
Lita. S